Le marché de la vente et de la location immobilière au Maroc

Pour quand un retour à la normale des ventes et des locations ?

Les sociétés décalent leur prise de décision en matière de location de bureaux, ce qui ralentit considérablement taux de transformation des locations. Ce marché de l’immobilier locatif bureau est aussi en pleine transformation notamment avec les nouveaux modes d’utilisation des espaces bureaux « le télétravail ».

La reprise tant attendue de la location de bureaux n’a pas eu lieu. Les entreprises sont en difficulté à cause de la crise ou manquent cruellement de visibilité. Ils sont donc prudents dans leurs investissements. C’est ce qu’ont observé deux opérateurs du secteur de l’immobilier professionnel, contactés par Médias24.

« Au troisième trimestre, le marché de la location de bureaux n’a pas connu le rebond que nous espérions, principalement en raison de la crise économique et sanitaire, du climat d’incertitude et de la démocratisation du télétravail. De toute évidence, cette crise sanitaire a porté un coup dur à la dynamique de l’immobilier locatif, y compris la location de bureaux », explique Rachid Lazrak, promoteur immobilier et membre de la Royal Institution of Property Experts in London (RICS). La livraison des espaces professionnels prévus  » se fera certainement dans les 12 à 18 prochains mois  », ajoute-t-il, soulignant que les promoteurs immobiliers n’ont pas du tout interrompu leurs projets et poursuivent leur construction à tout prix.

« Au sein de l’agence Carré Immobilier, la location de bureaux a pratiquement disparu de mars à aujourd’hui. Depuis mars et avril, le téléphone ne sonne plus pour ce type de location. En dix mois, nous avons loué un total de 400 m², contre 4 000 m² normalement. C’est simple: il n’y a pratiquement pas de demande. Notre activité dans ce segment a disparu de 90% », note William Simoncelli, directeur et fondateur de l’agence.

Rachid Lazrak et William Simoncelli observent tous deux que l’allongement des délais de décision observé après l’entrée en vigueur du lock-out se poursuit à ce jour. « À partir de mars, lors des recherches de bureau alors en cours, les utilisateurs ont considérablement retardé leurs décisions. L’arrivée de l’accouchement et la mise en place de mesures sanitaires mettent fin aux décisions immédiates. Il était difficile pour les usagers de se déplacer pour visiter les locaux, les représentants d’entreprises étrangères ne pouvaient plus visiter le territoire … Tout cela risquait de contraindre notre activité et de faire prendre plus de temps à la prise de décision. Les entreprises reportent leurs décisions en Grèce, notamment parce qu’elles ont très peu de visibilité », a déclaré William Simoncelli.

« Au Maroc, les grands entrepreneurs, qui sont souvent des multinationales, ont des sièges régionaux et des gestionnaires immobiliers régionaux. Cependant, toutes ces personnes n’ont pas pu se rendre au Maroc et prendre des décisions concernant la location de nouveaux bureaux. Tout ce contexte crée beaucoup de politique attentiste et par conséquent, les délais de négociation ont été considérablement allongés », explique Rachid Lazrak.

Le télétravail, l’autre facteur qui bouscule ce segment du marché immobilier locatif bureau !

Il faut aussi dire que la généralisation du télétravail pendant la détention, puis le retour à cette pratique, fortement recommandé par les autorités fin octobre en raison de la résurgence des cas de contamination par Covid-19, a complètement changé la donne: les entreprises ont compris que même à distance, le travail pouvait être fait. La pertinence de la location d’espaces professionnels n’a donc pas été abandonnée, mais remise en question.

A partir de là pour considérer que le travail en présentiel sera complètement abandonné à la fin de la crise sanitaire, il n’y a qu’un pas qu’il ne faut pas hâter de franchir, estime Rachid Lazrak. « Le télétravail se poursuivra après la crise sanitaire; ce sera certainement une manière de travailler durable, mais ce ne sera pas la seule. Ce qui est certain, c’est qu’il y aura une reconfiguration des bureaux. Les sièges sociaux pourraient devenir des lieux d’échange et de carrefour. Ce sera beaucoup moins d’espace ouvert et beaucoup plus d’espace de réunion. Certains parlent même de sérendipité », dit-il. La sérendipité désigne en effet la capacité d’exploiter un phénomène nouveau apparu par hasard, selon les contingences, et d’en saisir l’utilité. Comme le télétravail, alors.

Les entreprises marocaines ont-elles cette capacité ? « Dans tous les cas, ils mènent des discussions sur l’aménagement et l’utilisation des espaces de travail », répond Rachid Lazrak. « Il est certain que le télétravail ne contribue pas du tout à dynamiser ce segment; mais je ne pense pas que cette pratique détruira le travail et les bureaux sur place. Il s’agit d’une tendance cyclique, pas nécessairement d’une tendance structurelle lourde; D’autant que toutes les entreprises ne sont pas éligibles au télétravail et que nos maisons ne sont pas, avant tout, des espaces professionnels. En revanche, il faudra repenser cette branche de l’immobilier et revoir la logistique des bureaux à travers le prisme de l’usage que les salariés en font », ajoute William Simoncelli.

Fini les espaces ouverts et les bureaux cloisonnés ? « Je pense en effet que les bureaux tels que nous les connaissons doivent être représentés autrement. Les salariés, qui sont passés par la case télétravail, ne retourneront pas sur leur lieu de travail avec les mêmes envies et les mêmes capacités d’acceptation. Ils voudront travailler différemment; se poser à n’importe quel endroit du bureau selon l’humeur, les besoins, l’état de fatigue; rester debout s’ils ont envie de travailler debout… Malgré la conjoncture actuelle, je ne suis pas pessimiste pour l’avenir de la location de bureaux », ajoute William Simoncelli.

Le développement du coworking peut-il faire partie de cette reconfiguration des modes et des lieux de travail ? « La location de ces espaces a légèrement représailles au troisième trimestre », note Rachid Lazrak, mais ils doivent désormais relancer leurs activités avec de nouveaux enjeux. Son confrère estime de son côté que les espaces de coworking « ne remplaceront pas les plateaux de bureaux dédiés, mais pourront constituer une alternative le temps d’un projet ou d’une formation, dans le sillage de cette habilité et de ce nomadisme que les entreprises sont de plus en plus de nombreuses à adopter ».

Source : Media24